La complainte des sébiles

La scène de la mort de Chérif me revint. Je le revis dans l’enclos, gisant dans la boue, le vermeil de son sang épousant le boueux marron de l’enclos. Je revis les bœufs qui beuglaient, pleurant aussi Chérif leur protecteur. Je revis le poignard d’Alpha dans la boue et les entailles qu’il avait faites dans le maigre corps de mon frère. J’imaginais le regard enfant de Chérif mourant. sûrement qu’il avait longuement crié à l’aide, sans suite. N’étions-nous pas finalement tous coupables de sa mort pour non-assistance à enfant poignardé ? J'imaginais le meurtrier de Chérif, jetant le poignard et fuyant à vive allure sous le regard des bêtes. Elles connaissaient l’assassin. Elles le gardaient indéfiniment pour elles, hélas. Je vis à nouveau le regard d’Alpha et ses mains menottées. Le grand homme, notre pieux guide escorté par la police sous le regard accusateur des voisins. Je ne rêvais donc pas. Chérif est bien mort ici, dans cet enclos, il y a trois mois. Alpha avait été reconnu coupable et était écroué tout ce temps. Avait-il poignardé Chérif ? Non, je ne pouvais y croire.